Place du Grand Sablon: Mémorandum remis à la Ville de Bruxelles
Résultats principaux de l’enquête publique
Mémorandum remis à la ville de Bruxelles le 16 décembre 2025 - texte intégral ci-dessous:
Pour un réaménagement participatif et respectueux de la place du Grand Sablon
Le Quartier des Arts mobilisé pour préserver l’âme du Sablon
L’asbl Quartier des Arts, fondée en 1967 à la suite de la démolition de la Maison du Peuple de Victor Horta, s’est donné pour mission de défendre le patrimoine bruxellois. Aujourd’hui, elle s’engage activement dans le projet de réaménagement de la place du Grand Sablon. Forte de son ancrage historique dans la préservation du cadre urbain, l’association souhaite participer à une transformation de la place qui soit à la fois respectueuse de son patrimoine, de ses activités économiques et de la vie de quartier.
Un constat préoccupant sur l’état actuel de la place
La place du Grand Sablon souffre actuellement de plusieurs dysfonctionnements : elle est difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite, les trottoirs sont étroits et les revêtements sont dégradés. Le centre de la place, utilisé comme parking, présente de nombreux nids-de-poule et l’espace manque de convivialité. Le patrimoine n’y est pas suffisamment mis en valeur et la place semble abandonnée à son triste sort depuis trop longtemps. Face à cette situation, un réaménagement complet, harmonieux et respectueux du patrimoine s’impose.
Une démarche participative : les enseignements d’une enquête
À l’appui de son action, l’association a mené une enquête en octobre 2025 auprès de 602 usagers de la place, incluant résidents, commerçants et visiteurs.
Les résultats confortent la position de l’asbl Quartier des Arts : un projet de réaménagement réussi devra conjuguer accessibilité, équilibre fonctionnel et respect du patrimoine.
Les principaux enseignements de cette enquête sont :
Profil des usagers
- 53 % des sondés sont résidents, commerçants ou travaillent dans le quartier et 47% sont de passage ou clients du quartier
- 50 % sont dans le quartier pour leur travail, 31% pour des achats, 31% pour l’Horeca, 23% pour le tourisme et loisir
- 26% viennent au Sablon plus de 20 fois par mois, 28% entre 11 et 20 fois, 46% moins de 10 fois.
- 37% comptent passer plus de deux heures dans le quartier, 24% moins de 40 minutes
Perceptions et attentes des usagers
- Principaux critères qui caractérisent la place du Sablon : son caractère patrimonial (92%) sa convivialité (90%) son attrait touristique (87%) son élégance et son prestige (80%).
- Réaménagements prioritaires: préserver le caractère patrimonial (89%), favoriser l’accès PMR ( 84%), la convivialité (81%), renforcer la propreté (77%) et mettre en valeur des évènements culturels et artistiques (77%), créer ou renforcer la végétation (71%), améliorer la mobilité douce (68%).
- Le taux de satisfaction moyen est de 62 %, mais il décline à 59 % chez les plus de 55 ans et à 56 % chez les résidents.
- Principaux points de satisfaction : la présence d’Horeca (48%), la diversité des commerces (47%), l’accessibilité en transport en communs (41%).
- Principaux points d’insatisfaction : l’état des trottoirs (35%), le manque de place de parkings (30% en moyenne mais jusqu’à 43% pour les résidents), le manque d’espaces verts (28% en moyenne mais jusqu’à 38% pour les travailleurs du quartier), et la malpropreté (24 %).
Mobilité
- Mode de mobilité : Transport en commun 33% (43% des clients des commerces ), à pied 32% (seulement 19% des travailleurs et commerçants), en voiture 25% (30% des travailleurs et commerçants et 17% des clients), à vélo 4%
- La voiture reste un moyen privilégié pour les travailleurs et commerçants du quartier (30 %), mais moins pour les clients (17 %). Ce chiffre grimpe à 43 % pour les visiteurs venant du Brabant Flamand et à 67 % pour ceux du Brabant Wallon. [1]
Stationnement
- 76% des personnes venues en voiture sont garées sur la place même, 14% dans les rues adjacentes en, 10% dans les parkings publics des environs (Poelaert ou Mont des Arts)
- Il s’avère que ce sont les commerçants arrivés les premiers qui occupent la majorité emplacements de parkings en surface de la place : 30% des personnes travaillant dans les commerces du quartier disent en effet être venus en voiture et 83% d’entre eux s’être garés sur la place.
[1] Dans l’interprétation des chiffres, il y lieu de noter que l’accessibilité en voiture du quartier était perturbée durant la période d’enquête du fait des travaux de la STIB la rue de la Régence.
Le Sablon, site emblématique et cœur vivant de Bruxelles
La place du Grand Sablon, entourée par l’église Notre-Dame des Victoires, le jardin du Petit Sablon et des façades historiques, forme l’un des derniers ensembles urbains authentiques de la ville.
C'était autrefois, aux 16e et 17e siècles le quartier habité par l'aristocratie. Il est passé au début du 20e siècle par une phase de peuplement populaire, le jeu de la balle pelote se passait sur cette place qui à l'Ancien Régime accueillait le marché aux chevaux.
Depuis les années 60, ce quartier et cette place appréciés pour leur aspect harmonieux ont connu un développement de commerces de luxe et ont joué sur l'aura de ce quartier historique avec son petit marché des antiquaires ouvert le week-end. L’église demeure le lieu culturel le plus visité du quartier avec 550.000 visiteurs en 2024. Elle constitue le point d’ancrage de l’Ommegang et du marché des antiquaires.
Vue obstruée sur l'église Notre-Dame des Victoires
Une offre commerciale exceptionnelle qui doit être protégée
Le quartier du Sablon se distingue par la qualité exceptionnelle de son offre commerciale, centrée autour de la galerie d’art, de l’antiquariat, du luxe, de l’artisanat haut de gamme, et des lieux de restauration raffinée. Ce sont ces activités, souvent familiales et parfois centenaires, qui confèrent au quartier son atmosphère villageoise et qui attirent une clientèle belge et internationale exigeante.
La présence de ces commerces spécialisés joue un rôle fondamental non seulement pour la vitalité économique du quartier, mais aussi pour son image à l’échelle métropolitaine et européenne. Les visiteurs qui déambulent dans nos rues ne viennent pas seulement pour acheter : ils viennent vivre une expérience, découvrir des savoir-faire rares, échanger avec des professionnels passionnés, flâner dans un décor urbain d’une grande élégance.
Il est indéniable que ce type de commerce nécessite des conditions d’accessibilité, de sécurité et de visibilité spécifiques.
Un aménagement urbain inadapté – par exemple, une piétonnisation excessive, une gestion mal pensée de la logistique, ou encore une réduction de la desserte automobile sans alternatives efficaces – pourrait fragiliser ces activités, déjà soumises à des défis multiples (hausse des loyers, e-commerce, concurrence des zones périphériques).
L’enquête confirme la nécessité d’une réflexion rigoureuse de la question de l’accessibilité en voiture et du parking, compte tenu des spécificités de la clientèle du quartier.
Si la réduction de la présence automobile dans l’espace public est une priorité pour 60 % des résidents et des visiteurs, elle ne l’est que pour seulement pour 36 % des commerçants. Sur ce point, le projet devra proposer une approche très fine et la mise en place de solutions alternatives.
Le stationnement sur la place devrait être exclusivement de courte durée et réservé aux clients et aux des déchargements. La signalisation et le guidage vers les parkings publics souterrains pourraient certainement être améliorés. Les commerçants et travailleurs du quartier devraient être encouragés à les utiliser davantage. Les conditions d’utilisation de cartes riverains devraient être adaptées aux objectifs du projet.
Patrimoine négligé: la fontaine de Minerve (1751)
Une vision claire pour un réaménagement harmonieux et durable
L’asbl Quartier des Arts prône un réaménagement complet “de façade à façade”, intégrant la rénovation des revêtements, l’amélioration de l’accessibilité pour tous et la création de nouveaux espaces de convivialité. Toutefois, elle insiste sur la nécessité d’un équilibre attentif entre les différentes fonctions du lieu.
- Valoriser le patrimoine : restaurer les abords et les vues de l’église, mettre en valeur la Fontaine de Minerve (1751) et favoriser un dialogue entre patrimoine ancien et créations contemporaines.
- Créer un grand espace convivial et végétalisé : aménager au centre de la place un lieu de promenade et de rencontre, pouvant accueillir des marchés occasionnels tel celui des antiquaires, Les Nocturnes du Sablon, des mini-concerts et des animations culturelles, tout en évitant les événements de masse.
- Maintenir la vitalité économique : garantir l’accessibilité des commerces et privilégier sur les voiries latérales un stationnement de courte durée qui soit réservé à la logistique et aux clients; renforcer la signalisation vers les parkings publics.
- Favoriser la mobilité douce : élargir les trottoirs et améliorer la qualité des connexions vers le parc d’Egmont, les Marolles et le Mont des Arts.
Pour une démarche de concertation exemplaire
L’association recommande que le réaménagement de la place du Grand Sablon soit conduit dans le cadre d’un processus participatif. Elle appelle à la création d’un comité de suivi réunissant la Ville de Bruxelles, les concepteurs du projet, les représentants du quartier et des historiens. Elle propose également l’organisation d’ateliers thématiques associant commerçants, résidents, institutions culturelles et artistes afin de traiter les enjeux de mobilité, stationnement, mobilier urbain, éclairage, végétalisation et animation.
Enfin, elle plaide pour une forte intégration de la dimension artistique et culturelle du Sablon, en lien avec les trésors patrimoniaux du quartier tels que l’église, les galeries, les écoles d’art et le Conservatoire Royal de Bruxelles, afin que la place rénovée reflète pleinement la créativité et l’identité culturelle de Bruxelles.
Préserver l’essence du Sablon et faire rayonner Bruxelles
Le projet de réaménagement du Grand Sablon constitue une opportunité historique pour renforcer l’attractivité du centre-ville et sublimer un joyau architectural et humain. Cette ambition ne pourra être réalisée qu’en respectant l’âme du quartier, en valorisant son patrimoine vivant et en impliquant l’ensemble des acteurs qui le font vivre au quotidien. Nous croyons fermement qu’un projet porté collectivement sera un projet mieux accepté, plus durable et plus en phase avec les attentes des usagers.